Nous en sommes réduits à penser que le terrorisme est non plus un mal, mais la tactique la plus immédiate qui s’offre à un nouveau stratège. Il n’est plus besoin de débarquer des troupes ou de prouver sa vaillance, qualités trop viriles, ni de prendre pitié de l’enfance, qualité trop maternelle ou féminine, mais de faire plier l’adversaire par ses sentiments : non pas d’ouvrir par ruse la porte de la ville de Troie, comme dans l’épopée d’Homère, mais de pénétrer dans le cœur des pères pour les vaincre par la mort horrible de leur progéniture. Certains théologiens, plus prudents que le peuple, refuseront d’opposer l’Ange exterminateur qui tuait les premiers nés d’Egypte à l’Ange de Reims qui est devenu pour beaucoup le sourire de la France, teinté de je ne sais quelle voluptueuse éternité. Les premiers temps étaient barbares, et le second reflétait une société policée marquée par l’enseignement et les miracles de Jésus (béni soit-il). Chaque célébration du combat de Kerbala montre bien les pieux enfants reconnaissant leur martyre ancien. Mais Ici nous mesurons la nouvelle politique du pays qui s’identifie au khalife oppresseur, à un Yazid froid, mécanique, pour ainsi dire, qui tient l’humanité pour prétexte et l’infanticide pour une victoire décisive sur ceux dont il ne peut vaincre ni la raison ni ôter la foi...
Une nouvelle disposition constitutionnelle permet au Président d’engager seul une guerre, sans consultation du Parlement, et d’en chercher le motif dans une demande de protection civile qu’il interprète à sa guise. Fini le temps où il fallait une déclaration assortie d’un ultimatum. Le tyran est d’abord désigné, comme la cible, mais aussi vaste que ceux qui l’entourent, et tout esprit non obscurci par les préjugés d’autrefois abandonne l’esprit du droit pour celui de la vengeance, car l’amour de soi est poussé jusqu’à l’anéantissement des règles que Dieu distribue aux hommes et qui commandent de préserver la pureté, le rang maternel et le sang noble. C’est le cas de dire que l’on ne veut plus asseoir l’Etat sur la force de la vertu, mais sur l’impunité du vice. Et cette dernière hait surtout l’enfance car elle en a perdu pour toujours l’éclat de vérité qui perçoit et brûle le mensonge.
Le souvenir du discours de Villepin aux Nations Unies contre l’agression de l’Irak s’efface, et lui-même se tait sur les crime précis que dénonce Michel Collon.. Dans le Groupe Gauche Démocrate et Républicaine qui vote contre l’engagement militaire français en Libye, le 12 juillet, Monsieur Noel Mamère fait exception avec un autre député et approuve le gouvernement.
La visite du monde par un chef d’Etat français demandant la fin de la guerre d’Indochine et de l’injustice palestinienne ou la coopération de toutes les indépendances pour parvenir à un équilibre réaliste de vraie sécurité, semble l’exception historique qui confirme la régle machiavélique désormais ordinaire que la fin justifie les moyens. La France vit au long des siècles, soit, mais elle marche en somnambule sur la voie d’un Enfer. A ses amis de la réveiller, en priant Dieu de les aider, car aucun parti politique de grande envergure, y compris en premier le parti socialiste reprenant son ancienne tradition atlantiste d’alignement sur le protecteur américain, ne semble s’y résoudre.
Pierre Dortiguier