Les événements survenus à Paris au début de l’année 2015 ont déclenché, sur les sujets qui intéressent nos lecteurs, une avalanche d’inepties et de contre-vérités. Une étape semble avoir été franchie, car l’ignorance du point de vue traditionnel s’est exprimée avec une rare insolence. On nous a rebattu les oreilles avec des questions mal posées (a-t-on le droit de critiquer les religions ?) et des déclarations oiseuses (le délit de blasphème n’est pas inscrit dans le droit pénal français). Au sujet de l’islâm, quels délires! Certains sont allés jusqu’à affirmer sérieusement « l’urgence de procéder à une traduction œcuménique du Coran pour le rendre conforme à la laïcité et aux libertés » ! Cette inconscience généralisée suscite une gêne et une inquiétude. Il est difficile de ne pas voir dans certains épisodes l’ombre portée de l’Antéchrist. Ainsi ce slogan ambigu (1), repris en chœur à l’échelle planétaire, donnait l’impression d’une sinistre répétition générale, annonciatrice du pire ; ou encore ce spectacle pour le moins indécent donné le soir du 11 janvier quand les plus hautes autorités de l’État, kippa sur la tête, se retrouvèrent à la Grande Synagogue, où figurait en bonne place... un drapeau de l’État sioniste !(2) Et que dire de la provocation délibérée que fut la publication d’un nouveau numéro de l’hebdomadaire incriminé : elle suscita l’indignation générale (y compris celle du pape, demeuré singulièrement silencieux jusque-là) et parfois aussi une colère populaire bien compréhensible.
Il ne s’agit pas ici pour nous d’intervenir sur des questions politiques, mais de rappeler quelques principes à la lumière de l’enseignement de René Guénon. Curieusement, son nom a été mentionné au début de la même semaine à l’occasion de la parution de Soumission, le dernier roman de Michel Houellebecq. Cette publication, nouvelle machine de guerre dirigée contre l’islâm, fut le « lever de rideau » du sinistre spectacle qui a suivi. La référence à René Guénon est significative à plusieurs égards. Tout d’abord, Paris est apparu, une nouvelle fois, comme la capitale intellectuelle du monde; or c’est précisément pour cette raison que dès le début, et tout au long de sa carrière d’écrivain, les écrits de René Guénon ont été publiés dans cette ville.
A. R. Y.
(1) Nous sommes tous Charlie » pouvait signifier aussi bien : « nous sommes tous victimes de l’intolérance » que « nous sommes tous des blasphémateurs ».
(2) Quels cris n’aurait-on pas poussé si elles s’étaient retrouvées, coiffées d’un keffieh, à la Grande Mosquée où l’on aurait introduit astucieusement un étendard de l’« État islamique » !